59.
« Je suis venue cueillir des plantes pour ma grand-mère. »
Interrogée par Dorn, la jeune femme nous expliquait les raisons de sa présence. Elle
s’appelait Sanja et elle vivait en ville, mais elle visitait régulièrement sa grand-mère
qui vivait seule dans les bois. Cela me rappelait des souvenirs.
« Et elle vit vraiment seule ? Pas de voisins, pas de conjoint ? » demandai-je.
« Toute seule depuis des années. Les gens la trouvent bizarre, d’ailleurs. Mais tant
qu’ils la laissent tranquille, elle s’en fiche. »
« Et vous pensez qu’elle pourrait accueillir trois voyageurs le temps d’une nuit ou
deux ? »
Sanja hésita. Elle m’observa, puis observa Dorn et Ewald. Elle prit un temps de
réflexion avant de répondre.
« Je ne sais pas. D’un côté, je ne vous connais pas. De l’autre, vous ne semblez pas
menaçants… et puis, c’est exactement le genre de folie qui l’amuserait. »
« Vraiment ? » demanda Ewald, surpris.
« Oui. Elle est assez originale. »
« Elle a l’air intéressante », réagit Dorn.
Sanja sourit à cette réflexion. « Après tout pourquoi pas », murmura-t-elle pour elle-
même. « Je vais vous y mener. Mais d’abord… » Elle me regarda et me tendit sa main
ouverte. Je la regardai, perplexe.
« Vos armes. Ne croyez pas que je vais vous laisser menacer ma grand-mère », me
dit-elle.
« C’est de bonne guerre. »
Je lui confiai mon bâton de pèlerin. Elle prit aussi mon baluchon. Je remarquai
qu’elle faisait peu de cas d’Ewald et Dorn.
« Vous ne désarmez pas mes compagnons, aussi ? »
« Inutile », répondit-elle. « Tout à l’heure vous étiez le seul à m’avoir menacée. Eux
s’étaient cachés. J’en déduis que vous êtes le seul à savoir vous battre et à être armé. »
Elle regarda mon vieux bâton de pèlerin et ajouta : « enfin si on peut appelez ça une
arme. »
Perspicace, le petite.
« Franchement, ça s’annonce passionnant », me chuchota Dorn, enthousiaste.