[EGREGORE] Partie I, chapitre 3

3.
Lorsque la nuit tombe sur la petite cité, habituellement les habitants désertent les
rues. La plupart des hommes se retrouvent alors au comptoir local pour boire,
manger ou combler d’autres appétits.
Tadeusz avaient ces lieux en horreur, mais ils les avaient presque tous achetés, car il
aimait garder le contrôle et presque tous ses clients s’y retrouvaient. Exception faite
de certains originaux, comme ce fermier prétentieux qui s’appelait Radomìr. Et sa
fille qui avait cette espèce de lueur de défiance insolente dans les yeux. Mais tout le
monde avait un prix, même lui. Même elle. Un jour, il le trouverait. Il était patient.
Le cocher interrompit le fil de ses pensées.
“On est arrivé.”
“Il était temps.” Tadeusz sortit du véhicule et rajusta sa tenue. C’était l’heure de
son grand numéro. Visiter des fermes ou des tavernes n’était pas ce qu’il préférait
dans son métier. En revanche, la négociation…. la manipulation… c’était pour lui
une jouissance qui n’avait pas de qualificatif. Une ivresse divine qu’il recherchait
avec avidité.
Tadeusz était réputé pour être l’un des meilleurs, sinon le meilleur négociant de la
région. Tout était négociable avec lui, et il était très facile de soutirer aux gens de la
plèbe le maximum quand ceux-ci étaient saouls comme cochon. Alors, déjà très
agressif lorsque son interlocuteur était sobre, il devenait impitoyable lorsque celui-
ci était suffisamment alcoolisé.
Pour Tadeusz, la journée de travail n’était finie que lorsqu’il avait négocié ou
renégocié ses “partenariats” à la hausse. Il gagnait toujours. Et plus il gagnait, plus il
se sentait invincible. Plus fort que la populace, plus puissant que n’importe quel
soldat. Il était un dieu parmi les hommes, lisant dans leurs esprits comme dans un
livre ouvert.