4.
Tadeusz entra dans la taverne d’un pas serein, un léger rictus sur les lèvres. Il repéra
la table du fond, à laquelle était assis un homme musclé et armé, qui vidait à
grandes gorgées une chope de mauvaise bière. Le rictus de Tadeusz s’évanouit
l’espace d’une fraction de seconde. Puis il alla s’asseoir en face de l’homme.
“Bartek”, prononça Tadeusz en guise de salutation, essayant de garder son sourire.
“Monsieur Tadeusz” répondit l’homme. “Vous avez mon argent ?”
Bartek était un assassin. A la solde du plus offrant, avec très peu de regard sur le
choix de ses employeurs. Il entretenait une solide réputation d’efficacité et était
suffisamment opportuniste pour ne pas choisir de camp. Ou plutôt, pour savoir
choisir le camp du plus puissant. Souvent celui du plus riche.
Large d’épaule, solidement bâti, il avait une cicatrice sur le bras gauche, sans doute
d’un combat. Il mesurait vingt centimètres de plus que Tadeusz et aurait pu lui
casser la mâchoire d’un coup. Pourtant, ce dernier semblait avoir l’autorité. Une
autorité froide et calculatrice.
En règle générale, Tadeusz faisait appel à lui quand la négociation agressive n’avait
pas suffi, ce qui était encore rare. Il sourit en regardant du coin de l’œil la chope se
vider.
“Je peux vous payer en bière, si vous voulez.” Bartek reposa lourdement sa chope
sur la table. Il ne goûtait guère au sens de l’humour de Tadeusz. Mais ce dernier ne
cilla pas.
“Toujours droit au but, n’est-ce pas ?”, lui dit Tadeusz en soupirant. “Vous devriez
vous détendre un peu”. Tadeusz tira de sa poche une bourse qu’il posa délicatement
sur la table. Bartek s’en empara, vida sa chope et se leva.
“Vous devez être un sacré bout-en-train dans les fêtes de famille” lui cria Tadeusz
alors que Bartek sortait.
Il se cala sur sa chaise et fit signe au tenancier de lui servir à boire.