78.
Ils redescendirent tous dans la pièce à vivre. Ewald était satisfait de sa cueillette. Je
repensai à ce qu’avait dit Dorn juste avant qu’Hasel ne revienne. Cette dernière me
fit sortir brutalement de mes réflexions. Elle rit.
« On vous a déjà dit que vous pensiez beaucoup trop ? » me demanda-t-elle.
Je n’aimais pas cette question. Elle s’approcha, toujours avec cet air de savoir ce
que d’autres ignorent, et cette espiègle maturité qui me la rendait si séduisante. Son
visage était si près du mien que je pouvais distinguer chaque pore de sa peau. Elle
sentait bon la menthe et le bois frais.
« Vous vous demandez où on s’est déjà vu, n’est-ce pas ? »
« Comment le savez-vous ? » demandai-je. Nous n’étions plus à une surprise près de
la part de cette femme et j’avais un million de questions. Autant commencer par
celle-ci.
« Parce que je me le demande aussi » répondit-elle. A ces mots, Ewald et Dorn ne
purent retenir leur surprise.
« Malheureusement, nous n’aurons pas le temps d’éclaircir ce mystère », soupira-t-
elle.
Elle se recula et devint tout à coup plus grave. Son ton, son allure, tout dans son
attitude changea à tel point qu’on eût dit une personne différente. Elle semblait
prête à faire face à une menace. Il y avait soudain de l’orage dans sa maison, si
accueillante quelques secondes plus tôt.
« Prenez votre bâton, Cantor », m’ordonna-t-elle.