[EGREGORE] Partie V, chapitre 113

113.
« C’est vrai », concédai-je. « Mais pas tout à fait. » Je pris un temps de réflexion.
« C’est comme… » Je cherchai mes mots. Il me fallait une analogie qui soit la plus
compréhensible possible. C’était si compliqué pour moi de suivre le fil décousu de
mes pensées.
« …un ours qui traverse une rivière », finis-je par articuler. « S’il la traverse
aujourd’hui ou s’il la traverse demain, la situation est la même mais l’ours, tout
comme la rivière, a changé entre temps. »
« Peut-être qu’entre temps l’ours a été blessé dans un combat. Peut-être qu’il a plu
sur la rivière. Peut-être qu’il y a eu d’autres changements plus infimes, moins visibles,
mais dans tous les cas, quelque chose a forcément changé, car c’est la seule
certitude que nous ayons : tout change en permanence. L’ours ne traverse jamais
deux fois la même rivière de la même façon, car ce n’est jamais le même ours, ni
jamais la même rivière. Tout comme deux personnes qui naissent et meurent ne le
font jamais de la même façon. Nous sommes uniques à chaque instant de nos vies.
Nos émotions sont similaires, mais jamais identiques. »
Je me souvins de notre expérience dans l’anti-chambre spirituelle. « Sauf pour la
peur, d’après Ian », ajoutai-je. « La peur mène toujours au même résultat. »